La Page Connaissances du Laos ( La Jeunesse Lao )
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La jeunesse lao de France, quelle identité ? |
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Avertissement :Ce qui suit n’est pas le résultat d’une enquête, ni d’une quelconque étude sociologique faite sur la jeunesse laotienne de France. Ce n’est qu’une réflexion personnelle d’un père de famille, immigré laotien, ayant quitté son pays natal encore très jeune et résidant en France depuis une trentaine d’années. Ni sociologue, ni diplômé en sciences humaines mais de formation supérieure en informatique, l’auteur ne prétend ni détenir la vérité, ni posséder une solution à proposer, loin de là. Il pose juste un regard personnel sur la jeunesse laotienne en France. Sa réflexion est basée essentiellement sur les observations et discussions avec les jeunes de son entourage et surtout avec ses propres enfants. Ne cherchant ni la provocation, ni l’indignement, mais uniquement à apporter une critique constructive. Si involontairement, quelques propos peuvent contrarier ou choquer la sensibilité de certains, il s’en excuse par avance. En apportant ce témoignage, il espère que ces quelques lignes serviront de point de départ à un vrai débat sur le devenir de notre identité laotienne à tous ! Les jeunes laotiens, qui sont-ils ? Toute personne née en France (ou née au Laos et partie jeune), dont l’un des parents est d’origine laotienne. La jeunesse et leur « laotienneté » :On constate que les jeunes laotiens, en général, bien qu’ils se sentent au fond d’eux-mêmes lao, n’ont pas de réelle conviction. Même si quelques uns (que je félicite ici par la même occasion), s’impliquent lors des quelques manifestations culturelles, ils le font par affinité ou par respect pour leurs aînés. Pour la majorité d’entre eux, ils sont peu intéressés, voire pas du tout concernés. Malgré les efforts effectués par les quelques associations auprès de nos jeunes, ces derniers ne maîtrisent pas toujours très bien leur langue maternelle, connaissement mal l’histoire du Laos, ignorent la plupart des traditions et ne sont pas souvent sensibles aux charmes de la musique laotienne. Toutes ces observations se vérifient par leur absence chronique dans la vie sociale, culturelle et associative de la communauté laotienne en général, même si de plus en plus de jeunes prennent plaisir à manger laotien et à participer à différentes fêtes et manifestations laotiennes. Alors comment expliquer ce manque de motivation ? Cette défaillance n’est-elle pas le résultat logique des innombrables facteurs environnementaux, hélas souvent indépendants de notre volonté ? Manque de motivation, les raisons possibles :Pour commencer, outre l’éloignement géographique avec le pays d’origine, on peut déplorer le manque d’intérêt porté par ce dernier, à la jeunesse de sa diaspora. Pendant longtemps, jusque dans les années 90 voire plus tard, le Laos était resté hermétique à tout contact extérieur. Même si le pays s’ouvre peu à peu au tourisme, contrairement à la plupart des pays comme la Tunisie, le Canada, les USA, l’Israël, et les autres (où l’on propose la double nationalité), la RDP Lao n’a jamais cherché à séduire ni à réintégrer ses compatriotes, y compris les jeunes. Le peu de contact avec le pays, s’il y en a, est purement commercial. Peu de parents peuvent prétendre passer, en compagnie de leurs enfants, toutes les vacances d’été au Laos. Dans le meilleur des cas, suivant les moyens de chacun, peut-être une fois tous les 4 ou 5 ans. Certains jeunes lao, nés en France, n’ont même jamais mis leurs pieds sur le sol laotien. Alors, leur parler de l’identité laotienne relève du domaine de l’abstrait ! Les laotiens, naturellement gentils et intègres, n’ont pas de vrai désir de vivre en communauté même s’ils éprouvent le plaisir de se retrouver de temps en temps lors des fêtes. Contrairement à la communauté chinoise, par exemple, ils ne se regroupent pas en communauté pour vivre ni pour travailler, comme on peut le voir à travers certains quartiers chinois comme ceux de Belleville et de Paris 13ème. La plupart du temps salariés, cadres ou techniciens, les laotiens préfèrent vivre dans la discrétion, éparpillés, intégrés dans la masse de la population française. Leur assimilation ou intégration (dans un sens bénéfique et positif), dans la société d’accueil est tout à fait logique d’après les lois de la survie ou de la sélection naturelle. Par instinct d’adaptation et par mimétisme, un animal (et à fortiori un être humain) finit toujours par s’identifier et à s’adapter à son milieu, à sa niche écologique, sinon il disparaît. De même que leurs parents (eux-mêmes partis jeunes du pays), devaient d’abord s’adapter pour leur survie. Pendant plusieurs décennies, trop préoccupés par les soucis matérialistes, sans projet bien défini, ces laotiens d'europe n’avaient pas vraiment cherché à transmettre à leurs enfants leur identité lao. Eux-mêmes déracinés et désorientés, ils cherchaient plutôt à s'intégrer dans leur nouvel environnement. Par peur que trop d'identité lao puisse être un frein à l'intégration, les valeurs républicaines du pays d'accueil sont enseignées aux enfants et celles du pays d'origine mises en sommeil. Pour toutes ces raisons évoquées ci-dessus, les jeunes lao de la deuxième génération ne revendiquent pas forcément leur appartenance à notre communauté. Besoin de l'identité laotienne ?Toute personne a forcément besoin de savoir d’où il vient, connaître ses origines, son histoire, son passé. Pour se diriger dans le futur, on a parfois besoin de s’appuyer sur les repères du passé. Dans la société actuelle, où la forte personnalité de la personne est de mise, et où il faut parfois s’affirmer pour exister, la connaissance de soi-même et de ses origines me paraît indispensable. Sans compter le plaisir de se retrouver et de partager nos valeurs (cuisine, langue, musique, danse, traditions, culture, religion, philosophie de la vie, …) avec les gens ayant les mêmes affinités, les mêmes sensibilités, le même passé et une histoire commune.Par où commencer ?Il serait prématuré et inutile de leur parler « laotienneté » si les jeunes ne se sentent pas concernés. D’abord il faut faire naître chez eux un sentiment d’appartenance à la communauté. Une certaine forme de complicité entre nous. On ne se sent appartenir à un clan, une tribu ou à une communauté que si l’on s’y sent bien et que l’on s’y plaît à partager des choses. Sans cette complicité, une forte amitié, le simple plaisir de se retrouver et le sentiment d’avoir quelque chose en commun, le sens de l’identité laotienne ne sera qu’un vain mot.Quelques solutions à expérimenter :Créer des évènements, provoquer des opportunités diverses pour que la jeunesse laotienne puisse se rencontrer le plus souvent possible. Tout d’abord dans le cercle familial, puis dans le milieu amical, et enfin dans le cadre des associations et pourquoi pas plus loin. Organiser des rencontres ludiques entre jeunes : sport, danse, pique-nique, boom … Attirer leur attention, les motiver, les inciter à participer aux manifestations qui leur sont dédiées, qui les mettent en valeur, qui les placent au premier plan dans la vie communautaire. On peut, par exemple, organiser une distribution annuelle des « prix de mérite »: meilleur élève de l’année, meilleur sportif de l’année, meilleur artiste de l'année, le (la) jeune lao de l’année ? Pour gagner leur confiance, il faut leur apporter des preuves et des réalisations concrètes. Par exemple, en les aidant à régler leurs soucis quotidiens tels que l’aide dans les études (soutien scolaire, aide à l’orientation, aide pour la rédaction de CV ou lettres de motivation, et surtout la recherche de stage et d’emploi), dans les recherches de logement, etc. Monter et gérer, au sein de chaque association (pour commencer), une cellule pour collecter, centraliser et diffuser efficacement ces informations de soutien. Une conclusion sommaire en attendant vos réactions :« Quand on est jeune, le seul besoin d’identité qu’on ait c’est par rapport aux copains. C’est en grandissant que ce besoin d’identité et de connaître ses racines se fera sentir. L’adhésion des jeunes aux valeurs lao se fera d’elle-même, naturellement. C’est juste une question de temps et de maturité. Alors chaque chose en son temps, laissons les grandir un peu …», m’avaient confié avec optimisme, certains jeunes de mon entourage. Finalement, l'intégration de nos jeunes dans la vie communautaire dépend essentiellement de notre attention, de l'importance qu'on leur donne, de nos efforts continuels et permanents pour les aider, les solliciter, se rapprocher d'eux chaque jour d’avantage. Trente ans déjà, n'est ce pas notre dernière chance de créer la relève pour perpétuer nos valeurs, notre identité ? Pour qu'on puisse dans quelques années, lorsque nos vieux artistes musiciens seront fatigués, pouvoir encore chanter laotien et danser le "Lam Vong". De toute évidence, le devenir notre identité lao ne dépendra finalement que sur la réactivité et la bonne volonté de nos jeunes. Sincèrement, Janvier 2005,
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Réponse 1: PhaybounSabaydi Amis Luang-Prabanais, |
" Un autre point de vue d'une maman laotienne en France " Chers ai Phayboun
et ai Sayasack, J’ai lu avec intérêt vos réflexions sur notre jeunesse lao. Compte tenu que le dialogue est ouvert, je viens donc vous rejoindre pour vous donner mon point de vue sur la question soulevée. Ai Sayasack a développé longuement le sujet et ses interrogations suivies de ses réponses personnelles témoignent des inquiétudes que des parents lao éprouvent vis-à-vis de la pérennité de leur identité de laos exilés en France. Ainsi, retiendrai-je sa conclusion, issue apparemment des dires de certains
jeunes interrogés. Pourquoi avons-nous tant besoin que notre identité lao soit un sentiment
entièrement partagé par nos enfants et la génération
future ? C’était vers les années 70, qu’une masse de laos
sont arrivés en France au titre de réfugiés ou d’étudiants
envoyés par leurs parents avant de laisser ce dernier statut pour celui
des apatrides. Agés en moyenne d’une vingtaine d’années
et trente maximum, nous étions tous des jeunes livrés alors à nous
même. Devant toutes ces préoccupations de la vie d’exilés en France, ces pionniers que nous étions devaient aussi se compenser en créant des rencontres diverses. Une façon de resserrer les liens et de ne pas se noyer dans la masse de gens nouveaux et inconnus. Ainsi, ils coulèrent des jours pénibles dans un esprit d’entraide morale loin de leur pays. Nous avons vécu pour cela dans la simplicité de l’amitié et la joie fut immense à chaque fois que fortuitement, une connaissance apparut devant nous sur le quai d’une station de métro ou dans une fête. C’est cela que notre inconscient a conservé dans notre mémoire profonde, car grâce à cela que nous avons survécu à notre exil. C’est finalement ce traumatisme que nous n’avons pas su voir,
car il est souvent camouflé par les joies que nous ont procuré nos
rencontres et par notre façon d’exporter notre mode de vie ici. Rappelons-nous qu’ils sont nés sous une double identité, celle de leurs ancêtres représentés par leurs parents et celle du pays d’accueil qu’est la France. C’est une chose innée que nul ne pourra leur enlever, même pas nous leurs parents. Notre devoir de parents responsables sera désormais, celui d’avoir une vision plus large que celle que nous avions eue pour nos propres sorts jadis. Il ne sera jamais possible de comparer ce que nous ressentons vis-à-vis
de notre identité à ce qu’un enfant lao né en France
devrait ressentir vis-à-vis de son identité à lui. L’intégration est ce que nous avons vécue et ce terme ne s’appliquera plus à nos enfants, car ils n’ont pas besoin de s’intégrer étant un sujet faisant partie intégrante de la société dans laquelle il vit. C’est ce que la jeunesse actuelle revendique avant tout, d’être traitée en égal avec les autres sujets du pays. Le melting pot est ainsi défini, et cela y va de l’avenir de nos enfants. Ce que nous, parents lao, devrons leur inculquer est la valeur et la richesse de leur patrimoine, celui d’avoir une histoire à raconter. L’histoire de leurs racines qui les imprégnera un jour sans que nous ayons à nous inquiéter outre mesure. Pour cela, il importe que nous sachions leur faire apprécier l’histoire de leur famille lointaine. L’histoire de leur grand-père ou la vie de leur grand’mère etc. Nous aurons tant de chose à leur raconter. C’est par les récits que nous ferons naturellement lors des discussions en famille ou en particulier, que nous arriverons à leur faire prendre conscience qu’il a existé dans leur famille des parents qu’ils ne devraient oublier. C’est ainsi que nous sèmerons des souvenirs dans leurs cœurs et que les fleurs qui y germeront perpétueront nos souvenirs communs. Combien de parents lao auront aussi à se reprocher de n’avoir pas su se cultiver eux même pour pouvoir bénéficier de ces moments privilégiés de partage avec leurs propres enfants. Il ne suffisait pas de nous rassembler autour d’une tablée pour un repas traditionnel et danser le lamvong. Il faudrait aussi que nos intérêts aillent au-delà de nos us et coutumes pour ne pas nous enclaver dans un Laotown ou dans une association à buts définis. Pour dialoguer avec nos enfants, il nous faudrait aussi pouvoir parler leur
langage car nous ne devrons pas oublier qu’ils sont nés en France.
Je ne blâme pas ceux qui n’ont pas le moyen de se cultiver en allant
poursuivre les études, mais le fait de s’informer des actualités
et de tant d’autres choses de la vie d’ici permet déjà de
nous évoluer. Or, il est souvent vrai que nombre d’entre nous
se contentent de vivre au jour le jour et bien des années après,
ils sont restés les mêmes sans une once de savoir et de culture
digne d’un pays où les informations sont accessibles. Ainsi Femmes
comme hommes ne paraissent pas éprouver le besoin de s’élever
dans le savoir. Quant à la langue lao, c’est sans doute un problème pour
nos enfants. L’idéal est d’avoir dans la cellule familiale
des anciens qui leur parlent uniquement lao pour que la langue soit naturellement
là aussi pratiquée dès l’enfance. Mon point de vue est d’opérer une analyse de nous-même
déjà avant de nous dire ce que nous souhaitons de nos générations
futures. Il conviendrait aussi de nous abstenir de nous féliciter d’être
des personnes sérieuses et des délinquants et voyous sont les
autres. C’est cela le début du racisme. Alors, la génération de nos enfants ? Je suis assez confiante, car je pense à la mémoire de chacun d’entre nous. Cette mémoire peut rester enfouie dans un être jusqu’au jour où il éprouve le besoin de la mettre à jour. Notre travail est donc celui de leur permettre d’enregistrer cette mémoire. Et, nos rencontres, nos activités cultuels ou culturelles y participent, même si cela peut nous sembler sans effet dans l’immédiat. Avoir un jour un lao dans une fonction importante ou au devant de la scène, c’est possible si nous y contribuons en tant que parents. Il nous appartient de leur donner exemple par nos sens du dialogue, du partage et de la tolérance. Retenons aussi que nous leur donnons exemple en nous intéressant à autre chose que nos culture et mœurs. Il me paraît inutile de créer une cellule pour leur venir en
aide en matière de rédaction de CV ou d’aide à la
scolarité, en ce sens que leur aptitude dépasse souvent la nôtre.
Vous remarquerez leur facilité dans l’assimilation de la technologie
de notre temps et constaterez (sauf exception) qu’ils n’ont nul
besoin de nous, si ce n’est l’inverse. Moi-même, malgré l’apparence de femme occidentalisée s’exprimant naturellement en Français, je reste très attachée à la culture lao. Je suis ainsi, à peu près la dernière de mon âge à porter encore la jupe imprimé en batik (sinh tem) à la maison. Je portais tous mes enfants sur le dos comme du temps de nos mères au pays, et je conserve toujours cette toile solide qui servait à porter mes enfants il y a plus de vingt ans. Mon mot de la fin sera celui de nous dire à nous tous, les laos, et ce qu’ils soient d’origine viêtnamienne ou chinoise ou autres, de nous accepter les uns les autres et d’accepter nos différences. Que cette différence soit du fait d’être bien né, ou de la place de chacun dans la société lao au pays, c’est cette différence qui nous permettra d’avancer intelligemment vers un avenir de fraternité et de solidarité. Comme disait justement, ai Phayboun, que les laos ont du mal à s’entendre sans se critiquer continuellement. Cela se voit dans des associations y compris celles qui sont formées autour des édifices religieux. Je pense que tout ceci est dû à l’absence de sa crifice
que chacun de nous doit dès lors qu’il offre son temps à une
cause commune. Ce sacrifice est d’autant plus important pour nous, que
nous participions à l’avenir de nos enfants et de notre communauté. La philosophie bouddhique est pourtant une occasion idéale pour nous permettre d’atteindre cette sagesse qui fait défaut. Nous avons comme habitude de réciter nos prières et de nous mettre en blanc ou en jaune safran pour suivre les rituels de la religion populaire, sans souvent nous imprégner d’un réel et profond devoir de dépasser la vie terrestre. Le bien et le mal s’arrêtent à la pratique de telle ou telle action dictée par la religion. La recherche de cette plénitude à laquelle nous devons tous nous appliquer, doit aller au-delà de toutes ces cérémoniales. Souvenons-nous que le principal enseignement du bouddhisme est le détachement. De tous nos envies et désirs, pour voir en nos épreuves de la vie un cycle naturel des simples mortels. Il ne sera jamais inutile de s’interroger sur soi-même comme pour tant d’autres sujets qui nous préoccupent. Et, ceux qui viennent s’asseoir autour de la table pour y émettre un avis, même contraire, ne doit pas être perçu comme un adversaire ou un faiseur de troubles. Car, quel intérêt pour une assemblée que de se limiter à une discussion sans débats ? Chacun doit par ces débats, démontrer son sens de la diplomatie et d’écoute, exercice quelquefois ardu mais louable. Hackphèng, |
Réponse 3: Khambay
Réflexion sur la laotiennetéC’est l’envie de mieux connaître mon pays natal qui m’emmène à visiter le site de Sayasack où une rubrique sur la jeunesse lao de France m’a interpellé. Je l’ai lue avec une grande attention. Les points de vue des deux intervenants Phayboun et Vansy sont de très grande qualité. Avant de donner mon opinion, je voudrais inviter les internautes à venir nombreux sur ce site s’exprimer et se mobiliser pour cette cause commune. Je tiens aussi au passage à féliciter l’auteur du site Sayasack pour avoir eu l’idée de soulever cette réflexion qui je l’espère débouchera sur quelque chose de concret : d’abord rassembler les hommes et les femmes avec des idées diverses puis nous retrouver physiquement ou virtuellement sur ce site.À la manière de Sayasack et en simple qualité de père de famille ni spécialiste en communication ni expert en sociologie je porterai mon regard sur nos comportements et dessinerai une perspective sur le devenir de l’identité lao. La jeune génération lao traverse t-elle une crise d’identité ou est elle à la recherche d’un point de repère ? Si l’on en croit certain média selon lequel nos jeunes lao ne revendiqueraient plus leur appartenance à la communauté, détourneraient de la croyance religieuse de leur foyer familial pour visiter d’autre horizon comme on peut lire dans le forum des jeunes sur ce site http://www.laofr.net/ et sembleraient remettre en cause notre flegmatisme légendaire "Bo Pen Gnang". A cette information, nous tous, en qualité de parents responsables, nous sommes en droit d’abord de se poser des questions sur le pourquoi et le comment de cet événement. Est-ce une crise passagère due à l’insouciance de nos jeunes enfants ? Ou n’est-ce pas l’ensemble de notre vie communautaire qui traverserait une crise majeure ?. La première hypothèse de cette crise identitaire de notre jeunesse pourrait être la suivante: Il appert que chacun de nous, les parents qui ont souffert du peu d’offre de formation dans leur pays d’origine, affichent une grande ambition familiale à travers leurs enfants en prenant, comme outil de promotion sociale par excellence, l'école. Pour satisfaire ainsi à cette ambition personnelle, certains d’entre nous, n’ont pas hésité à bâtir leurs rêves au prix des pressions sur leurs propres enfants. Lorsque la barre est fixée trop haut, l’échec est inéluctable; et faire vivre cela aux jeunes, entraîne des conflits débouchant quelquefois sur leur marginalisation. Dans ce cas la vision d’école comme outil d'élévation sociale est interprétée par les enfants comme un pur caprice des parents. Que pensent-ils des parents qui exigent d’eux d’atteindre l’objectif idéal pour satisfaire au besoin secret de se venger des frustrations du passé ? Il n’y a pas lieu de crier injustice, lorsque ce rêve n’est pas exaucé. Faire cela, au contraire, est injuste. Deuxième hypothèse : par négligence ou par manque de maturité des parents qui n’ont pas su se préparer à la mutation sociale de notre jeunesse qui vit avec son temps. Nous sommes peut-être trop obnubilés par notre concept de valeurs traditionnelles que nous en arrivons à oublier de considérer le contexte dans lequel évoluent nos enfants. Ces valeurs qui représentent à nos yeux la perfection céleste, n’ont pas été transmises comme un enseignement. Nous avons oublié que dans notre jeunesse, nous aussi avons désiré et rêvé de tout de ce qui était étranger à notre tradition : nous aimions chanter le YéYé ou danser au rythme de la musique étrangère. Il est aussi démontré selon Bergson que les facteurs qui entrent dans la formation de caractère et de la personnalité d’un être, viennent d’abord la famille, puis l’école et enfin les fréquentations. Transmettre des messages à nos enfants avec une affinité égale à l’attente de nos aspirations sera une tâche difficile. Vansy a bien souligné l’embarras dans l’idée de les soustraire à cette culture hybride qui fait déjà une partie intégrante de leur univers. Alors nos inquiétudes bien que légitimes et nos aspirations vers la réussite aussi nobles soient elles, doivent s’inscrire dans le cadre de la nature à la manière des parents oiseaux qui, par instinct ou par devoir, apprennent à leurs oisillons à voler de leurs propres ailes ; et d’une maman lionne à leurs lionceaux à chasser par eux même pour vivre. Troisième hypothèse : Pour analyser ce mal-être de nos enfants et la dérive de nos valeurs; il sera, selon moi, de faire une analyse de nous même pour essayer de voir comment nous, les parents, nous nous comportons devant cette double culture. Pour garder un fil conducteur entre nos jeunes et leur origine nous n’avions pas su trouver et chercher des points d’intérêt par des dialogues pour leur inculquer notre concept de valeurs traditionnelles, en parlant de notre passé, bref en les intéressant à l’histoire de notre famille. Nous adultes nous avons passé trop de temps et d’énergie au profit des débats stériles sur nos divergences idéologiques totalement étrangères à leurs préoccupations quotidiennes. Force est de constater également que dans notre communauté, la vision d’une cohésion sociale n’est hélas conçue que par un discours d’intention avec des montagnes de mots, masquant une certaine hostilité à tout changement. Il est fort probable que, devant cette absence de cohérence au sein de notre communauté et devant les attitudes de certains parents de rester lao purs et durs, nos jeunes se trouvent fort désinvoltes et désorientés. Comme dans tout système de valeur, la sélection du bien et du mal se fait toujours par un processus de comparaison. Cette désertion de notre communauté de nos jeunes, n’est pas selon moi, synonyme de rupture avec l’identité lao, mais elle s’explique par un manque de repère et surtout par des désirs de découverte et de recherche d’un certain idéal que nous ne saurions leur proposer. C’est certainement ainsi dans toute la jeunesse du monde. Par crainte de polémique je me garde de citer les exemples de dysfonctionnement dans notre vie communautaire tant qu’au niveau comportemental que moral. La diaspora lao fonctionne par petits groupes sans aucune vision collective; par opposition à celle des chinois où, un groupe mobilisateur se réunit tous les deux ans soit à Vancouver soit à Sydney. (Source Le Point N° spécial Chine). Il étudie et décide la stratégie commerciale et culturelle dont tous ses diasporas ont besoin pour leur bien-être. Appelons cela La politique d’immigration. Tandis que nous faisons de celle-ci un hobby ; toute la différence ! Que dire à propos de nos compagnons de malheur qui sont les vietnamiens. Regardez la liste des enfants de Boat people à l’école polytechnique à Paris. La plupart d’entre eux sont envoyés directement du Vietnam avec l’aide des bourses françaises (Source TV5 Juillet 2005). On trouve des maîtres de conférence de conférence à sciences Po, à la Sorbonne. En théologie ils ont des pasteurs représentés dans les colloques. A l’opposé nous avons nos vénérables (Achanes) vivant au crochet des fidèles dans des centres spacieux, mais tolérant certains à demander l’aumône devant les supermarchés. Certes cette scène n’a rien de choquant dans un pays bouddhiste comme le nôtre; mais dans celui d’une culture différente, elle ne portera certainement pas le même charme. J’attire l’attention de tous les lecteurs pour écarter toute intention de ma part de me servir de ce manuscrit, comme un moyen de polémique. Mes constats sont constitués d’une observation et d’information que chacun puisse, s’il le désire, s’en inspirer dans la multiplicité de sources du monde libre. Mais nous, les lao ne sont pas les peuples inintéressants ni plus nuls que les autres disaient nos deux intervenants Phayboun et Sayasack. J’en conviens ; mais comment faire quand on n’a ni repère ni projet ? Comment réveiller tous ces talents qui dorment ? Cette intervention a donc pour but de lancer un appel à ceux ou celles qui ont des idées à soumettre pour qu’ils se fassent connaître. Mais la seule démarche, la vraie qui soit pertinente, à mon sens, est celle qui consiste à briser les tabous, à persuader nos compatriotes surtout ceux qui, retranchés dans leur monde narcissique, n’ont pas vu que le monde a bien changé. Cela demande à chacun de nous, avant et par dessus tout, un effort d’honnêteté pour clarifier, expliquer et surtout pour impliquer pour démontrer que nous sommes capables d’aller au-delà de simples mots et de l’unité de façade. Il ne suffit pas de penser que l’idée d’imaginer et de concevoir est noble ; mais faire c.à.d mettre la main à la pâte est vil. Nous devrions apprendre à affronter le Réel car c’est par là que le bât blesse. Quelles expériences à tenter ? Laisser nos enfants à intérioriser d’eux mêmes les ambitions de réussite, et à s’interroger sur leur origine par leurs propres expériences. Tandis que les parents pourront, plutôt jouer le rôle d’assistance ou d’attraction que celui d’endoctrinement. Dans les exemples de travail d’accompagnement de nos jeunes on peut privilégier l’écoute des centres associatifs, lieux de rencontre et de cérémonies diverses pour les mettre utilement à contribution de nos jeunes à la recherche de leur identité. Ce lien de Sayasack http://sayasackp.free.fr comme tant d’autre website serviront de moyen d’accès facile aux informations intéressant notre culture et notre pays. Ils permettront aussi à d’autres personnes détentrices des idées nouvelles à se faire connaître. Nous pouvons aussi nous inspirer les événements d’actualité et les débattre avec nos enfants. Prenons la loi d’insertion que le gouvernement paraît de toutes les vertus n’est pas aussi avenante dans son application. Pour éviter que nos jeunes vivent le même syndrome d’exclusion que ceux de l‘immigration précédente à la notre, essayons d’étudier et chercher ensemble les causes intrinsèques de ces échecs. Pour cela nous nous profitons d’innombrable d’écrits disponibles pour approfondir le sujet d’une manière la plus exhaustive. L’initiative ne sera couronnée de succès que lorsque l’une et l’autre association de la communauté,comptant chacun sur ses propres moyens ou sur l’influence des personnes d’autorité ou pourquoi pas d’un parti politique influent, agissent de concert. Le travail qui, au sein de la communauté lao en dehors de notre pays d’origine, consiste à accomplir des tâches simples mais cohérentes, consolidera nos liens. Au moment où toutes nos tentatives politiques d’approchement avec notre pays d’origine sont au point mort, cette unité d’action ouvrira certainement une autre perspective de réconciliation. Ceci est un autre débat, j’en profite pour demander à toute personne intéressée par cette idée de se manifester. Mais une alternative ou un éveil d’orgueil de notre diaspora sont–ils possibles ? Pourrions-nous nous mobiliser pour une grande cause ? Comment transformer nos dissensions en force commune ? Aimerions-nous relever un défi afin de réhabiliter nos valeurs d’antan ? Aurions-nous l’audace d’accomplir tous ces actes salvateurs qui font la force des grandes nations ? Je termine mon texte par ces questions qui j’espère ne resteront pas sans réponse et en guise d’espoir et d’un au revoir je lance un appel à travers ce site, à tous les lao ou assimilés, intellectuels ou penseurs, ou tout simplement amoureux de leur origine à se joindre à nous pour raconter l’histoire … du Laos. Nous formerons un groupe de réflexion, des observateurs des quatre coins du monde. Si débat il y a, il portera désormais sur notre responsabilité autant sur nos convictions pour notre identité lao. Ainsi l’histoire retiendra t-elle que nous existons bel et bien et quelles étaient nos préoccupations. Aussi, nous tous, petits et grands, pourrons vivre notre exil en parfaite harmonie avec notre entourage. 1er septembre 2005, Khambay Thongpraseuth ( k.thongp@wanadoo.fr ) |
Bonjour à tous, |